Au nom du père, de tous, du ciel

D'avril à juillet 1994 au Rwanda, quelques Hutus résistent à la terreur génocidaire et décident d’accueillir et de sauver des Tutsis. Quinze ans plus tard, malgré des tentatives symboliques de reconnaissance, ils peinent à trouver leur place dans la société rwandaise : traîtres pour certains et tueurs potentiels pour d’autres. Joseph, Joséphine, Léonard, Augustin et Marguerite racontent comment, au péril de leur vie, ils ont caché des Tutsi et les ont aidés à s’enfuir. Leurs paroles résonnent dans les lieux où ils ont résisté, des collines de Nyanza aux rives du lac Kivu, et rendent ainsi sensible l’humanité dont ils ont fait preuve.

Écriture minimaliste pour ce film qui revient sur le génocide du Rwanda, quinze ans après, sous un angle particulier, celui des Justes, des Bienfaiteurs (Abagizeneza). Ils sont quelques Hutu à s’être opposé au bain de sang, à avoir risqué leur vie pour sauver des Tutsi. Cinq d’entre eux relatent leur choix, leurs peurs. Ils racontent des gestes simples, évidents, sauf qu’ils ne l’étaient pas : le film commence sur le récit d’un berger amputé, le genou broyé pour avoir caché un fugitif. La qualité d’ Abagizeneza tient à l’unité de son regard, à la rigueur de sa construction en modules autour des personnages. Quelques plans serrés d’abord du cadre de vie, des intérieurs rudimentaires, suivis du témoignage frontal, en plan américain, jamais en gros plan : la solitude de la décision, la vulnérabilité des personnes n’en ressortent que davantage. Puis un plan large de la nature autour, des cuvettes cernées de monts brumeux, une campagne paisible aux sons bucoliques et aux rondeurs trompeuses : la scène de la tragédie. Et un fondu au noir ouvrant sur le témoignage suivant. Mais la transition est biaisée : le personnage de la séquence suivante apparaît fugitivement, muet, avant le fondu au noir. Le film crée ainsi un lien ténu mais persistant entre chacun de ces bienfaiteurs. Cette passerelle est essentielle : elle conjure une blessure qui a atteint la langue même. Jadis les adultes étaient indifféremment des « oncles » et des « tantes » pour les jeunes générations, qu’ils soient tutsi ou hutu.

Yann Lardeau, festival Cinéma du Réel 2010

 

Réalisation : Marie-Violaine Brincard – 52 min. – 2010 – versions française et anglaise

Une production Les Films du Sud, France Télévisions Pôle RFO

Avec la participation de la Région Midi-Pyrénées et du Centre National de la Cinématographie

Avec le soutien de la PROCIREP, société des producteurs et de l’ANGOA

 

Film édité en DVD par Doc Net Films (www.docnet.fr)