Les textes à étudier sur la réconciliation entre Jacob et Esaü

1 – Gn 27 – Le conflit Jacob/Esaü

2 – Gn 27 – Les bénédictions

3 – Gn 27/28 – Le mariage

4 – Gn 28 – Le songe de Jacob

5 – Gn 32 – La préparation

6 – Gn 32 – La lutte avec Dieu

7 – Gn 33 – La réconciliation

 

  • Action de réconcilier des adversaires, des gens fâchés entre eux ; fait de se réconcilier.
  • Rétablissement des liens conjugaux entre époux en instance de divorce ou séparés de corps.
  • Cérémonie solennelle par laquelle un pécheur public est pardonné et réadmis à la communion par l'Église ou qui a pour objet de purifier un lieu saint profané.

Même sens : fraternisation, rapprochement. – Familier : rabibochage, raccommodement.

Le contraire est bouderie, brouille, désaccord, désunion, dispute, froid, mésentente et rupture.


Présentation de Marc Henri Klein

Mon Maître : Isidore Rosner

J’ai eu un maître. Durant quatre années, il m’enseigna « ce qu’est le judaïsme ». Pas un « judaïsme à la carte » comme : « Dis-moi ce que tu crois et je te dirais que c’est cela justement le judaïsme ! ».

Je l’ai rencontré lorsque encore religieux traditionaliste, je décidai d’arrêter la pratique religieuse. Une femme orthodoxe me parla de lui et me proposa de le rencontrer. Il était lui-même juif orthodoxe, dentiste et père de plusieurs enfants. Pendant un temps je ne l’ai pas contacté, ne voulant pas me faire « remonter les bretelles ». Je ne me rappelle pas pourquoi j’acceptai finalement de le rencontrer.

Je venais de lire « Moïse et le monothéisme » de Freud. J’y suis allé et lui ai dit que je pensais que « Moïse était égyptien et qu’il avait reçu la Thora au mont Sinaï ». Après un long silence, il me dit qu’il était possible que Moïse soit égyptien, mais qu’il pensait qu’il serait plutôt madianite, vu ses liens avec Jethro, son beau-père. Quant à Moïse, qui aurait reçu, la Thora au mont Sinaï, me dit-il, « cela est complètement faux » Je suis sorti de chez lui avec un cœur qui battait à tout rompre, une tête bourdonnante et une émotion considérable. Je revenais huit jours plus tard, ayant lu un deuxième livre ! Il coupa court à la discussion et m’affirma alors qu’il n’avait aucune intention de me faire revenir sur ma décision, de me faire revenir dans le monde religieux, je pouvais si je le voulais me convertir, « c’est ton problème », dit-il, mais il rajouta qu’il pouvait par contre étudier avec moi ce qu’était le judaïsme d’après les textes hébraïques eux-mêmes.

Pas un judaïsme auquel moi j’aurais envie de croire, mais celui qu’une étude objective et critique des textes nous montrerait et démontrerait. Pendant quatre ans donc, on travailla ensemble, deux soirées par semaine. Le prix à payer était la lecture d’un livre avant chaque soirée. Si je n’avais rien lu, au moins plusieurs chapitres d’un livre, il me renverrait immédiatement. Cela n’est arrivé qu’une fois !

Je lisais des livres, sur la critique biblique, de minuit à trois heures du matin, lorsque j’avais fini d’apprendre mes cours de médecine que je venais de commencer.

Je l’avais sollicité souvent pour qu’il écrive, mais pendant toute sa vie il s’y est refusé, car il pensait que son enseignement était oral, de maître à élève, et était susceptible constamment de changement. Il pensait qu’un écrit figerait et défigurerait sa parole.

Ce fut, donc, un enseignement oral, je ne pris aucune note, mais je me souviens de tout. En sa mémoire, je voudrais exposer son enseignement biblique et répondre à la question : « qu’est-ce que le judaïsme? » pour pouvoir aborder la question des origines du judaïsme.

Il a été pour moi un maître, car il m’a appris à penser.

……

Ceux qui l’ont approché, se sont tous demandés « comment pouvait-il dire ce qu’il disait et rester religieux ! ». C’était une énigme pour eux et elle est restée. Mais l’on pourrait répondre que le judaïsme affirme « Naasse Venichma », « fais et tu comprendras », c’est-à-dire, fais d’abord et tu comprendras ensuite, mettant en avant une pratique, déconnectant cette pratique de la pensée ou pour le dire autrement, l’important c’est la pratique, la praxis. Pour la pensée, la Tradition affirme qu’il y aurait soixante-dix façons d’interpréter la Thora. La grande majorité des Juifs qui adhèrent au judaïsme suivent les actes de la Tradition sans savoir pourquoi, sans se poser de question.

Il y aurait erreur à penser que le texte biblique affirme une vérité historique, il est la vision qu’Israël a de sa propre histoire, et donc que Moïse ait reçu ou non la Thora au mont Sinaï ne changeait rien pour lui. Mais ce n’était pas le cas de celui qui venait le voir et qui pratiquait un judaïsme orthodoxe en pensant que ce que la Tradition disait est la Vérité. En entendant ses réponses, il repartait en pleurant. Lui se défendait en disant qu’il ne lui avait pas demandé de venir poser des questions !

Une autre réponse possible est une raison sociologique. Mon maître voulait pouvoir parler et être entendu dans un milieu religieux très orthodoxe, dans lequel il avait été élevé et éduqué. Pour y être accepté, il se devait de suivre, en actes, la Tradition.

C’est donc sa vision du judaïsme que je présente ici, vision « banale » dans le monde universitaire biblique catholique, protestant ou hébraïque en Israël, mais absolument incompréhensible au sein de la communauté juive religieuse.

Cette communauté religieuse, traditionaliste, orthodoxe ou libérale, n’aborde les textes que dans une vision totalement légendaire, midrachique et cela est toujours un choc d’entendre des personnes qui ont fait des études supérieures, devenues adultes, tenir pour vrai des histoires que l’on raconte aux enfants en maternelle ou au jardin d’enfant. Mais c’est comme ça aussi que beaucoup de Juifs, qui se disent laïcs, « voient » le monde.

D’où je parle

Je viens d’une famille non religieuse. Ma mère, enfant, suivait peut-être quelques traditions, mais au moment de son mariage avec mon père, ils décidèrent de ne rien suivre. A huit ans, ils m’inscrivent au « Talmud Thora », cours d’enseignement religieux traditionaliste. Je décidais alors d’appliquer les lois, les « mitzvot » ou commandements du judaïsme. Après plusieurs années de combat pour prendre le pouvoir dans ma famille, je convertissais toute ma famille, ma mère, mes sœurs et mon frère au judaïsme traditionnel. Mon père résista encore quelque temps, protégeant un morceau de nappe et une casserole « treiffe », non cacher, qu’il gardait envers et contre tous. Je découvre aujourd’hui qu’à cette époque, je ne connaissais rien du judaïsme. En première et terminale, je créais un office le samedi matin, avec des copains, qui avait lieu de cinq heures du matin à sept heures trente pour les écoliers, qui comme moi, allaient à l’école le sabbat pour suivre les cours, mais sans écrire. Ayant deux heures de math, le samedi matin, mes camarades me supplièrent de rester religieux, au moins pour cette année, car le professeur de math avait décidé, à cause de moi, qu’il n’y aurait aucune interrogation écrite le samedi matin. C’était « sabbat » pour tout le monde, dès le vendredi soir. Mais vers vingt ans, je trouvais le judaïsme traditionnel trop infantile et je décidais progressivement de l’abandonner. Cela mit plus de dix ans. C’est au commencement de cette démarche que je rencontrais mon maître, juif orthodoxe. Qu’il se soit intéressé à un « am haaretz », qui peut se traduire par « un homme du peuple » ou « de la terre », comme moi, reste une énigme.

Il avait une connaissance considérable, énorme, colossale, des textes bibliques et du Talmud qu’il pouvait réciter par cœur, en hébreu, verset par verset, une connaissance universitaire très importante, mais il avait surtout une façon de penser critique très développée qui désarçonnait son interlocuteur. Comment se situer par rapport à une telle figure, à toutes ses connaissances ? On avait le sentiment, en sa présence, de n’arriver qu’à sa cheville !… Personne ne sortait de chez lui indemne ou indifférent l’avoir rencontré. J’ai, quant à moi, développé à son contact un domaine qu’il n’avait pas et qui m’a servi de refuge : l’imagination. Je formulais des hypothèses que nous examinions ensuite dans nos entretiens, deux fois par semaine, et cela dura quatre années. J’ai découvert plus tard combien je ne savais rien du judaïsme avant notre rencontre. Il y a un paradoxe, moins je pratiquais, plus j’apprenais.